Corée du Nord : quelle est cette contruction édifiée près de sa frontière ? - BBC News Afrique (2024)

La Corée du Nord construit des sections de ce qui semble être un mur à plusieurs endroits près de sa frontière avec la Corée du Sud, révèlent de nouvelles images satellite.

Les images analysées par BBC Verify montrent également que des terrains situés à l'intérieur de la zone démilitarisée (DMZ) ont été déboisés, ce qui, selon les experts, pourrait constituer une violation de la trêve conclue de longue date avec la Corée du Sud.

La DMZ est une zone tampon de 4 km de large entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, qui sont toujours techniquement en guerre, n'ayant jamais signé de traité de paix. La DMZ est divisée en deux, chaque côté étant contrôlé par les nations respectives.

Selon les experts, cette activité récente est "inhabituelle" et intervient à un moment où les tensions entre les deux pays ne cessent de croître.

"À ce stade, nous ne pouvons que spéculer sur le fait que la Corée du Nord cherche à renforcer sa présence militaire et ses fortifications le long de la frontière", explique Shreyas Reddy, correspondant du site spécialisé NK News, basé à Séoul.

BBC Verify a commandé des images satellite haute résolution d'un tronçon de 7 km de la frontière dans le cadre d'un projet visant à étudier les modifications apportées par la Corée du Nord à la zone.

Ces images semblent montrer au moins trois sections où des barrières ont été érigées près de la DMZ, couvrant un total d'environ 1 km près de l'extrémité orientale de la frontière.

Il est tout à fait possible que d'autres barrières aient été construites sur d'autres tronçons de la frontière.

La date exacte du début de la construction n'est pas claire en raison de l'absence d'images haute résolution dans la région. Toutefois, ces structures n'étaient pas visibles sur une image prise en novembre 2023.

"Je pense personnellement que c'est la première fois qu'ils construisent une barrière dans le sens où ils séparent des endroits les uns des autres", a déclaré à la BBC le Dr Uk Yang, expert en matière militaire et de défense à l'Asan Institute for Policy Studies de Séoul.

"Dans les années 1990, la Corée du Nord avait érigé des murs antichars pour empêcher l'avancée des chars en cas de guerre. Mais lors d'incidents récents, la Corée du Nord a érigé des murs de 2 à 3 mètres de haut, qui ne ressemblent pas à des murs antichars", explique M. Yang.

"La forme des murs suggère qu'il ne s'agit pas seulement d'obstacles [pour les chars], mais qu'ils sont destinés à diviser une zone", ajoute le Dr Yang, qui a examiné les images satellite.

Il existe également des preuves de défrichement du côté nord-coréen de la DMZ.

Les dernières images satellite de l'extrémité orientale de la frontière montrent ce qui semble être une nouvelle route d'accès.

Pour tracer la frontière nord précise de la DMZ sur la carte ci-dessus, nous avons adopté les recherches de la BBC sur la cartographie des frontières. En effet, il existe de légères variations dans les cartes disponibles de la frontière. Cependant, toutes les versions que nous avons trouvées montrent que le défrichement a lieu à l'intérieur de la zone démilitarisée.

Un responsable de l'état-major interarmées sud-coréen a déclaré lors d'un récent briefing que l'armée avait identifié des activités en cours liées au "renforcement des routes tactiques, à la pose de mines et au défrichage de terrains vagues".

"Selon le professeur Kil Joo Ban, professeur de sécurité internationale à l'université de Corée, le défrichage des terres pourrait être destiné à des aspects militaires et non militaires.

"Il permet d'établir facilement des postes d'observation pour que la Corée du Nord puisse surveiller les activités militaires en Corée du Sud et repérer les transfuges qui tentent de franchir la frontière avec la Corée du Sud.

"Il est inhabituel de construire des structures dans la zone démilitarisée et cela pourrait constituer une violation de l'armistice sans consultation préalable", selon le professeur Victor Cha, premier vice-président pour l'Asie et la Corée au Centre d'études stratégiques et internationales.

La guerre de Corée s'est terminée en 1953 par un armistice, dans lequel les deux parties se sont engagées à ne pas "exécuter d'acte hostile à l'intérieur, à partir ou contre la zone démilitarisée". Mais il n'y a pas eu d'accord de paix définitif.

Bien que la réunification ait semblé improbable pendant des années, elle a toujours été l'objectif déclaré des dirigeants nord-coréens jusqu'au début de l'année 2024, lorsque Kim Jong Un a annoncé que son pays ne poursuivrait plus cette ambition.

Certains experts ont qualifié ces remarques de "sans précédent" et ont vu un changement de politique significatif lorsque M. Kim a qualifié la Corée du Sud d'"ennemi principal" au début de cette année.

Depuis lors, le Nord a également commencé à supprimer les symboles représentant l'unité des deux pays, notamment en démolissant des monuments et en effaçant les références à la réunification sur les sites web du gouvernement.

"La Corée du Nord n'a pas vraiment besoin de barrières supplémentaires pour prévenir une attaque du Sud, mais en érigeant ces barrières frontalières, le Nord signale qu'il ne souhaite pas la réunification", déclare le Dr Ramon Pacheco Pardo, directeur des études européennes et internationales au Kings College de Londres.

Certains experts estiment également que cette attitude s'inscrit dans le droit fil des actions plus générales de M. Kim.

"La Corée du Nord ne fait même pas semblant de vouloir négocier avec les États-Unis ou la Corée du Sud, et elle a repoussé les récentes tentatives du Japon d'engager des pourparlers", explique Edward Howell, chercheur sur la péninsule coréenne à Oxford.

"Avec le réchauffement des relations entre la Corée du Nord et la Russie, il ne faut pas s'étonner si les provocations intercoréennes augmentent cette année.